Les Halfelins couraient en tous sens. Les huttes étaient en flammes et tous ceux qui en sortaient encore étaient impitoyablement massacrés. Les hommes de Gammer étaient méthodiques, sans pitié. Il vit Hoechlin attraper un enfant par sa queue de cheval et tirer si sèchement qu’il entendit d’où il était la nuque se briser. L’homme rejeta le petit corps désarticulé dans les flammes d’une cabane.
Un cri de colère retentit et une Halfeline en flammes se rua sur lui pour l’emmener avec elle dans la mort. Une flèche de Tyron mit un terme à sa course et son cri.
De l’autre côté de la place, Viggo et Demcer venaient d’abattre le dernier semblant de milicien du village.
La nuit avait été propice et pas une de ces raclures n’avait pu en réchapper. Normalement.
Le silence qui s’installa, uniquement coupé par les crépitements des flammes et l’écroulement des bâtisses.
Puis un cri retentit. Une cavalcade s’ensuivit. Les compagnons se regroupèrent autour de Gammer et virent foncer sur eux quatre cavaliers tandis qu’un cinquième restait en retrait, agitant les bras.
Bordel, un jeteur de sorts !
« Tyron ! Le mage ! »
L’homme disparut dans la nuit tandis qu’à côté de Gammer Hoechlin et Viggo se figeaient.
« Merde ! Ils sont paralysés ! On doit faire front sinon ils sont morts ! »
Gammer et Demcer poussèrent leurs compagnons au sol et s’apprêtèrent à recevoir la charge. De près, ils distinguèrent enfin leurs assaillants : une patrouille de Drows. Ils chargeaient à deux de front.
Bande de cons ! A quatre, vous aviez bien plus de chances. Deux et deux, on peut y arriver…
D’un bel ensemble, les deux hommes tombèrent un genou au sol, balayèrent devant eux d’un violent coup de taille de leur hache puis effectuèrent un roulé-boulé vers l’extérieur de la zone de charge. Les deux premiers chevaux s’effondrèrent avec un hennissement déchirant tandis que leurs cavaliers tombaient avec eux. Les seconds balayèrent le vide. En quelques pas rapides, Gammer et Demcer furent sur les Drows tombés. L’un était déjà mort, nuque brisée, tandis que l’autre cherchait à reprendre ses esprits. Une lame de hache entre les omoplates mit fin à ses efforts.
Entretemps, les autres cavaliers avaient fait demi-tour. Ils revinrent au trot et descendirent de cheval avant d’arriver au contact, dégainant leurs armes. Chacun portait une cotte de mailles et maniait un cimeterre et une dague.
Descendue de cheval elle aussi, la prêtresse s’avança vers la zone de combat en psalmodiant une nouvelle incantation. Une flèche se ficha dans son épaule et elle s’interrompit avec douleur et surprise. Qui osait porter la main sur une disciple de Lloth ? Celui-là allait connaître son courroux !
Alors qu’une seconde flèche volait vers son visage, elle leva la main et celle-ci frappa un bouclier invisible puis retomba au sol.
Ô grâce Te soit rendue, Maîtresse, il s’en est fallu de peu !
L’archer était tapi derrière une hutte en flammes. Elle se jeta dans les ombres pour se mettre à l’abri puis brisa la hampe de la flèche. Elle sortit son fléau et s’apprêta à faire front. Elle contourna prudemment la hutte, prête à abattre son arme sur son adversaire à tout moment. Arrivée au coin, elle inspira un bon coup puis se porta brutalement en avant, balayant l’air de son fléau. Une vive douleur la cueillit au genou et elle tomba au sol. L’homme l’attendait, mais accroupi et il venait de lui porter un coup d’épée destructeur. En effet, les tenues des prêtresses étaient souvent très affolantes, histoire de rappeler aux mâles la faiblesse de leur chair, et donc, même si elle portait une cotte de mailles, celle-ci s’arrêtait sous ses hanches tandis que sa longue robe fendue le long des jambes pour une facilité de mouvement accrue, notamment monter à cheval et courir, laissait ses jambes nues et sans défense.
Tyron sauta sur la prêtresse et lui fit immobilisa le poignet d’arme, la bloquant couchée sous lui. De l’autre main, il appuya fermement sur le morceau de hampe brisé, l’enfonçant au maximum dans la plaie.
La prêtresse hurla.
Gammer et Demcer avaient vécu de nombreuses batailles, survécu dans les pires moments et perdu de nombreux frères, mais toujours ils s’étaient sortis d’affaire. Grâce à une façon complémentaire et imbriquée de se battre en tandem, ils déjouèrent rapidement les techniques de leurs adversaires, l’un parant l’assaut de l’autre tandis que le premier portait un coup de taille ou inversement, ou provoquant une faille par une feinte exploitée par le comparse…
Les Drows mordirent la poussière rapidement, salement, sans gloire ni honneur, vaincus par plus habile, plus retors et encore moins honorable qu’eux.
La prêtresse hurla. Ils se ruèrent à la rescousse de Tyron.
Celui-ci avait les choses bien en mains. La blessure infligée par le morceau de flèche avait eu raison du bras de la Drow et son autre main était parfaitement maîtrisée. Les deux hommes arrivèrent alors que l’archer venait de sortir sa dague et s’apprêtait à égorger son adversaire.
« Attends ! »
Il suspendit son geste. La prêtresse lança un regard haineux aux nouveaux arrivants.
« C’est une sale raclure, mais elle a fait souffrir des dizaines des nôtres, peut-être des centaines.
- Tu crois pas qu’elle devrait payer pour ça ?
- Vous proposez quoi ?
- Comme toutes les autres, cette salope est à moitié à poil. Je propose qu’on la baise.
- Puis qu’on la torture.
- Puis qu’on la rebaise.
- Puis qu’on la retorture, puis qu’on la tue. »
La prêtresse se mit à ruer de toutes ses forces en rugissant le plus fort qu’elle put. Mais elle ne pouvait pas grand-chose. Un violent coup à la tête la fit sombrer dans l’inconscience.
Lorsqu’elle se réveilla, elle était nue, couchée dans l’herbe, les bras attachés dans le dos.
« C’est bon les gars. Elle est avec nous. »
Des commentaires graveleux et des exclamations de joie retentirent à ses oreilles.
Le viol fut long et douloureux. Ces hommes étaient des vétérans, issus de la fange et formés par elle. La liste de leurs crimes était si longue qu’ils ne s’en rappelaient qu’une fraction. Ces hommes étaient des raclures de la pire espèce. Et leurs actes étaient dignes d’eux et parfois même pires. Et ça, c’était quand on les prenait séparément. Ensemble, ils atteignaient un tout autre niveau. Et c’est entre leurs mains que la prêtresse était tombée. Quelles que fussent les atrocités auxquelles elle se fût livrée, elle connut bien pire sous leurs sexes, leurs mains et leurs lames.
Lorsqu’enfin arriva l’heure de la mise à mort, elle en appela une dernière fois à Lloth.
Les hommes s’esclaffèrent.
« On n’en a que faire de ta damnation, Angelus nous a absous. Il a dit qu’en échange de nos services, le Dieu unique nous accueillerait à notre mort. Et tout ce qu’il nous demande, c’est d’être nous-mêmes. Juste de ne plus nous en prendre aux humains. Rien que ça. »
Ils s’esclaffèrent de nouveau puis Gammer reprit.
« Bon, c’est pas tout ça, mais on a encore du boulot. Les gars, elle peut encore un peu servir si vous voulez. Non ? D’accord, on en a fini alors. »
La prêtresse, atrocement mutilée, chaque membre brisé en plusieurs endroits, n’était plus capable que de maudire en murmurant. Aucun autre mouvement ne lui était plus possible que, bien entendu, respirer.
Gammer l’éventra doucement, délicatement. Alentours, les loups s’appelaient déjà les uns les autres pour le festin.
« Et ben voilà ma jolie. Encore un peu de plaisir avant de pouvoir te reposer. »
Les hommes se défroquèrent et urinèrent sur elle. Viggo agrémenta ses entrailles fumantes de quelques étrons personnels.
Puis les disciples du Dieu unique quittèrent les lieux, reprirent leurs montures laissées un peu à l’écart et reprirent leur chemin de sang et de mort.
Le regard de la prêtresse balaya les alentours. La mort serait miséricordieuse. Elle ne savait pas qu’il était possible d’infliger tant de souffrances de tant de manières en laissant la victime non seulement en vie mais consciente. Même ses Maîtresses auraient eu à apprendre de ces hommes.
Autour d’elle, les têtes de ses hommes avaient été fichées sur des mouts de bois, comme pour en faire les témoins de son calvaire et de sa déchéance.
Un grognement résonna près d’elle. Les loups approchaient. Ce serait bientôt fini…