Aux tréfonds de la forêt profonde ...

"Je ne suis pas de bon conseil ! Ma voie suggère mort et destruction ! Et mes solutions, si elles ont pour but de transformer tous ces idiots de géants en humus, risquent toutes de s'accompagner de pertes et de sacrifices parmi les ents et les arbres !

Sur ce domaine là, c'est plutôt votre branche les gars !"

"Y'a pas à dire ... je communique toujours mieux avec les morts qu'avec les vivants !

Oui j'aurais pu faire pousser des champignons à spores empoisonnés sur le grand ancien en passant par sa racine ... et comme je dois avoir quelque part un peu de sang de géant, j'aurais pu créer des spores sensibles uniquement à ces bêtes là ... mais j'avais raison ... mort et destruction ... de toute façon çà m'aurait pris trop de temps à faire tout çà ...

Va changer l'avis d'un Ent ... et pire, va changer l'avis d'une bande de Ents qui suivent l'ordre d'un autre Ent ...

Y'a pas un des pontes géants qui est lié aux sylvestres ?"

Huorn se fendit d'un sourire d'où il manquait quelques dents.

"T'inquiète, il parle toujours comme çà l'Lanthir ... C'est juste une question d'habitude !

En faire quoi ? Leur forêt là-bas est soit condamnée, soit déjà quasi-détruite ! Avec tous ces fichus machins qui rodent et qui sèment la destruction ...

La forêt des Huldras s'est très largement étendue ces dernières années, les survivants que l'on pourrait trouver dans l'autre pourront certainement être hébergés ici sans trop faire de surpopulation ! Par contre, t'as pas peur que les voisins d'ici n'apprécient pas toutes ces arrivées ?

Les satyres, je ne m'en fais pas, ils sont suffisamment malins pour se barrer et éviter un conflit inutile ... mais les lycans sont territoriaux et agressifs, ils ont dû aller à l'affrontement direct et solitaire ... je risque de ne trouver que des cadavres ..."

Huorn passa carrément du sourire au rire.

"Depuis l'enseignement de notre mentor, t'as toujours été le même ! Quand j'ai dit forêt des Huldras, je voulais dire qu'elle a un lien avec ces crétins ! Pas qu'elle leur appartenait ! Vois-y une façon de la nommer, comme j'aurais pû dire la forêt des carnutes, la forêt des montagnes enneigées ... Même si c'est vrai tu me diras que ce lien ressemble plutôt à une relation sado-maso ! Ha,ha, ha ..."

Huorn tendit le bras à son tour. Les lamelles d'armure de son gantelet rouillé s'écartèrent comme les pétales d'un fleur, dévoilant sa peau couverte de cicatrices. Les lèvres d'une longue cicatrices s'entrouvrirent lègèrement, faisant perler son sang.

"J'ai déjà observé çà dans les sociétés humaines, les antipaladins sont plus aptes à signer des trèves que les paladins ... mais trève de plaisanterie, je ne suis pas du genre à le forcer contre son grès, il fait ce qu'il veut ! Wolf est de nous tous le plus proche de lui, tant que Wolf signe la trève, çà me suffit pour moi ! On va avoir sacrément du pain sur la planche ... et la reine des fées ... brrr ha,ha,ha .... elle est aussi tordue que lui, çà promet une belle explication !

Moi faut que je m'active, Wolf sera certainement le premier arrivé de nous tous ! J'ai déjà 2-3 pistes pour retrouver des satyres qui se cachent ..."

"D'accord ... bon aller, je vais faire comme Bala' ... je vais filer !"

Huorn fit cliqueter son armure rouillée en s'éloignant. Il disparut derrière un fourré.

Plus loin dans la forêt, il s'avança vers un vieil arbre malade et psalmodia quelques paroles incompréhensibles. Les fleurs fanèrent en entendant sa mélopée. Les racines du vieil arbre s'écartèrent et Huorn descendit lentement sous l'arbre. Une fois rentré, les racines se refermèrent sur lui. A l'abri dans l'humidité infectée de cet arbre mourant, il plongea ses doigts dans l'humus et se concentra pour la transformation.

A cause de la voie qu'il avait choisi, sa capacité de transformation était nettement moins élégante que d'autres et moins rapide aussi. Les plus gracieux à ce sujet là étaient sans nul doute Wolf et Lanthir.

Il se transforma lentement en une énorme mouche verdâtre, grosse comme cochon, son abdomen suintait d'un liquide poisseux. Elle s'envola à l'intérieur de l'arbre creux et décolla des frondaisons de l'arbre pour s'élancer vers son objectif.

Au centre d'un bosquet de très vieux chênes tous biscornus, un tumulus de terre commença à se former, comme si une taupe creusait une sortie, mais devenant de plus en plus gros jusqu'à atteindre la taille d'un boeuf. Lorsque le cratère de terre meuble s'ouvrit, Huorn en émergea lentement, s'ébouriffant pour faire tomber toute la poussière et la terre accumulée sur son armure et ses vêtements. A sa suite, tous les lycanthropes et les satyres qu'il avait pu sauver sortirent un a un de terre.

"Alors c'est çà ta forêt ?
La partie la plus éloignée de toute civilisation, oui ! Comme je vous l'ai dit, certaines parties de cette forêt sont habitées !
On a l'habitude avec les sylvains et les solaires !
Et bien gardez vous habitudes ici ! Les fées ne vous chercheront pas forcément des ennuis, mais il existe dans cette forêt une cité qui possède certes moins d'habitants que les cités elfiques que vous pouvez connaitre, mais certains d'ici sont plus dangereux qu'une armée d'elfe et tout aussi soupe-au-lait !
T'inquiète le vieux ! On n'a pas fait tout ce chemin pour risquer de finir ici ! On va rester dans ce coin là !
Tant qu'on nous fiche la paix, on n'est pas là pour provoquer de nouveaux conflits, nous !
Bien dit !
Je suis d'accord !
Ok les gars, je vous crois ! Mon boulot s'arrête ici, je n'ai pas sauvé beaucoup d'entre vous, j'en suis désolé ! Mais je vois que j'ai tardé avec ce voyage, il faut que je me dépêche pour rejoindre mes confrères !
Vous pouvez faire quelque chose pour sauver notre forêt ?
Je ne pense pas que quelques druides qui jusqu'ici nous jamais réussi à tomber d'accord vont faire la différence, mais c'est sûr que ce qui arrive va être au centre de nos discussions ! J'espère que Wolf ou Lanthir ont eu plus de chance que moi !"

Les créatures commencèrent à se répartir par petit groupe pour découvrir leur nouvel habitat tandis qu'Huorn s'éloignait pour reprendre sa forme de mouche et s'élever en direction du rassemblement druidique.

Après qu'Huorn ait laissé les quelques survivants dans cette zone de la forêt d'Harmadrya qui n'avait pas vu la tête d'un Huldras depuis ... des siècles ... au mieux, ils partirent découvrir leur "terre d'asile", en espérant qu'elle ne devienne pas une terre d'exil ...

Les lycanthropes, trop peu à leur goût à s'en être sortis, reprirent vite les vieux réflexes grégaires de leurs gênes lupins, et après un premier repérage, s'était regroupés pour rester en meute. Ils commençaient déjà à se construire des huttes faites de branchages pour abriter leur nouvelle tribu.

Les satyres, de nature individualiste, décidèrent au contraire d'un commun accord d'en remettre leur destin à la déesse de la Chance et après un court chant entonné en chœur, chacun partit dans une direction différente, s'enfonçant dans cette forêt qui, à cet endroit, était vraiment lugubre.

(Nuit entre J+25 et J+26)

Drycha s'était enfoncée profondément dans la forêt ... Elle appelait mais personne ne lui répondait, elle sentait juste qu'il fallait qu'elle continue d'avancer, qu'elle s'approchait de son objectif. Elle ne savait même plus où elle était dans cette forêt inconnue. Mais plus elle avançait, plus elle se sentait chez elle. Parmi les dryades, elle était l'une des plus remontées contre les Ents. Elle les jugeait décadents et faibles, incapables de protéger la nature contre ses ennemis, des reliques du passé, des hérétiques accrochés à un pouvoir qu'ils ont perdu depuis longtemps. Mais ici, en cette nuit, elle oubliait tout son ressentiment.

Elle arriva enfin dans une petite clairière baignée par un faible clair de lune. Au centre, un vieil arbre trônait, à moitié calciné, et fendu en deux, certainement frappé par la foudre. A l'intérieur de son tronc creux, une énorme ruche avait élue domicile. En pleine nuit, les abeilles devaient certainement dormir mais au petit matin, elles sortiraient pour aller butiner. Pour l'heure, seules des nuées de coléoptères nocturnes à carapace bleue troublaient la quiétude de la nuit.

La dryade s'approcha doucement, lentement, pour ne déranger aucune créature. Elle s'arrêta à portée de main du tronc ouvert en deux. Cependant, elle n'osait le toucher, sa main tremblait.

C'est à alors que surgissant du cœur de la ruche, la reine sortit seule, sans guerrières. Elle s'approcha au plus près du visage de la dryade, toute étonnée. La lumière de la lune semblait se refléter dans les yeux de l'insecte, Drycha, hypnotisée, la regardait sans comprendre. La reine des abeille devint alors de plus en plus lumineuse. Lorsqu'elle ne fut plus qu'une petite bille de lumière, elle s'approcha et pénétra dans le front de la dryade. Au même moment, du lierre grimpant qui utilisait le tronc de l'arbre comme support, étira ses tiges vers les jambes et les bras de Drycha. Elle sut alors que c'était ce moment et cet endroit qu'elle cherchait. Elle se laissa attirer à l'intérieur tandis que la ruche s'ouvrait pour lui laisser de la place et que les 2 flancs de l'arbre se refermaient sur elle.

De nombreux craquements d'écorce résonnèrent une partie de la nuit dans la clairière, presque couverts par le vrombissement frénétique des coléoptères et des abeilles réunis.

Lorsque le calme revint enfin dans la clairière, Drycha, la championne dryade n'était plus. Comme un papillon émergeant de sa chrysalide, elle avait fait sa mue pour devenir autre chose. La nature l'avait élevée à un autre stade de son évolution.


Drycha Hamadreth était née. Elle allait bientôt découvrir que les abeilles et les scarabées bleus qui l'entouraient n'étaient pas que des locataires de son nouveau corps, mais des extensions de sa volonté.

Errant dans ce coin reculé de la forêt, Drycha Hamadreth étrennait ses nouvelles capacités et sensations. Ses sens étaient plus développés encore qu'ils ne l'étaient lorsqu'elle était simple dryade. Son ancien corps, enchâssé dans le torse de cet énorme construct de bois et de cire pulsait d'une lueur lunaire. Une puissante paire de jambes digitigrades, deux bras musculeux, de longues griffes végétales au bout des doigts, ce corps était fait pour le combat. Mais les portions de ruche contenues dans son corps, les abeilles et les scarabées qu'elle hébergeait, tout çà elle n'en comprenait pas encore l'utilité.

C'est alors qu'elle réalisa qu'une présence l'observait. En temps ordinaire, elle ne l'aurait pas remarqué, immobile dans l'ombre, mais maintenant si.

"Toi ! Qui es-tu ? Sors de là ! Tu à tout vu ? Tu n'aurais pas dû !

Calme toi ! Je ne te veux aucun mal !

Sors de là ! Montre toi !

L'ermite au manteau poilu sortit de sa cachette.

Je ne ...

... ressens aucune menace ? C'est ce que tu allais dire ?

Qui es-tu ?

Peut-être un allié, peut-être personne ... seul l'avenir me le dira ... mais si tu ne ressens aucun danger, c'est certainement parce que nos dons ont la même origine !

Qu'est-ce que je suis ...

... censée faire ? Je ne le sais pas moi-même ! Peut-être sommes nous des graines pour la prochaine voie ... afin que le cycle continue ! Il te fallait toi aussi changer ! Tu avais trop de ressentis envers les Ents ! Tu ne pouvais pas rester comme çà !

Ils sont faibles et décadents !

Non, ils sont le reflets d'une autre saison, c'est tout ! Et le prochain cycle arrive ! Ils le ressentent ! Ils ont un rôle ! Et ils ont bien l'intention de le tenir ! Mais toi, ou moi ... ou d'autres ... nous avons une autre mission ! Tout ne doit pas s'arrêter avec eux ! La Nature est immuable ! Elle sera toujours là ! Même après que les mortels se seront tous entretués !

Et mes sœurs ?

Tu les a confiées à quelqu'un de sûr ! Fais lui confiance !

Tu sais çà aussi ?

Çà ... et beaucoup de choses ! Il a le même but que tes sœurs ! Protéger Anima ! C'est tout ce qui compte pour le moment !

Les forces vives s'attirent et se regroupent ! L'axe du mal se croit fort ! Mais sa plus grande faiblesse est de nous sous-estimer !

Maintenant, je vais te laisser, tu dois avant tout apprendre à te connaître, prend ton temps ! Moi au contraire, j'ai peu de temps ! D'autres tâches m'attendent ! A bientôt Drycha Hamadreth !

Comment m'as tu appelée ?

C'est ton nom désormais ! Championne !"

Elle essaya de le retenir mais l'espace d'un instant, elle fixait un buisson au lieu de regarder l'homme encapuchonné avec qui elle pensait discuter.

"J'ai rêvé ou quoi ?!?"