Pourchassés

Threskha s’esclaffa.
 
« Oui, mais je tiens à vous bande de moules Si je ressuscite, vous resterez kan même sur le karreau. Ca me f’ra une belle jambe, mais ça n’arrangera pas l’autre ! »
 
Puis, aussi soudainement qu’abruptement, elle attrapa la Denrée et la serra contre ses seins voluptueux en un long et gênant câlin.
 
Dans son oreille, malgré les mèches de cheveux mêlés qui s’y disputaient, elle entendit distinctement un « Merci » aussi sincère qu’inattendu.

Le convoi franchit les portes de la cité peu avant leur fermeture. Après un contrôle strict, ils furent admis dans Rethmar et cheminèrent un moment pour trouver une auberge qui pourrait correctement prendre en charge leurs montures et entreposer leur chariot.
 
Il s’agissait d’un grand établissement, l’un des plus réputés de la cité à défaut d’être l’un des plus huppés. Ici, à l’ombre de la haute tour de guet qui dominait la cité, les voyageurs de toutes sortes s’arrêtaient pour faire étape.
 
Cette auberge était en réalité celle qui avait donné naissance à la cité.
 
Ils étaient finalement réellement entrés dans un morceau d’Histoire. L’Histoire, avec un grand H. Nuance qui échappa à tous les Orcs, mais pas à la Denrée, la seule avec suffisamment d’intelligence, d’instruction et de respect du passé pour le comprendre.
 

Cette auberge centenaire avait pour simple nom « L’étape ».

Les orcs étaient en effet contents et le repas se déroula dans une joyeuse ambiance. Le tarif payé comprenait une repasse de tout et le petit déjeuner du lendemain.
 
Les orcs firent honneur à tout cela et, finalement, quittèrent effectivement l’auberge de très bonne humeur.
 
Seuls restèrent attablés la Denrée, Lynna et Gorshet. La petite quitta bien vite la table pour aller s’occuper avec sa poupée près de l’âtre tandis que les deux autres finissaient tranquillement le tonneau.
 

« On repart demain ? Il nous reste kombien de temps avant d’arriver ? Trois semaines ? Plus ? » 

« On est venus par le nord. Donk, le mieux c’est Halruaa. Komme ça on évite les aut’ merkos. Mais y a des dangers k’on konnaît moins bien par là.
 
Et ton kouzin, où k’il krèche ? »

L'aubergiste ne fut pas difficile à interpeller et sa réponse fut souriante.

"Ah mais ma p'tite dame, vous êtes au meilleur endroit pour obtenir cette carte ! Mes aieux tenaient déjà cette auberge que même vous n'étiez pas encore née. Et déjà à cette époque ils avaient à leur service un cartographe ! Pour le modeste tarif de cinq pièces d'or je vous fournirai la carte que vous désirez..."

"Vous avez mal entendu ma p'tite dame. Je serais ravi d'obtenir 50 PO pour cette carte, mais je ne vous en ai demandé que 5 PO..."

Gorshet grogna.

L’homme sourit à sa réflexion sur les oreilles bouchées.
 
« Bien sûr qu’on a pour les chouquettes. De toute façon, un bain est compris dans le prix de la chambre. Faut juste dire quand on doit vous monter l’eau chaude… 
 

Des guides, oui, mais pourquoi si vous avez une bonne carte ? Dans l’absolu, il suffit de suivre la route. Enfin, ça dépend où vous allez en fait. Où allez-vous ? Parce que là aussi, de la destination dépendra le guide. Et son prix. »

L’aubergiste hocha la tête d’un air entendu. Bien sûr il voyait ce qu’elle demandait et il pensait avoir l’homme qu’il lui fallait. Encore fallait-il que le gars accepte le travail.
 

« Je pense avoir la personne qu’il vous faut. Mais il est assez revêche. Faudra titiller son intérêt sinon il vous enverra balader. Et il n’est pas spécialement bon marché non plus.

Je peux prendre contact pour vous et lui demander de venir, ça vous dit ? »

L’aubergiste hocha la tête et repartit derrière son comptoir. Peu après, il fit signe à une serveuse d’aller chercher le fils du palefrenier qu’il chargea d’aller chercher le guide contre une friandise. Le gamin fila ventre à terre.
 
Une demi-heure plus tard, une femme entra. Elle portait une tenue de cuir serrée et des bracelets larges aux avant-bras. Une tenue ajustée et confortable, deux courtes épées courbes à la ceinture et une dague sortant de sa botte.
 
Ce qui frappait le plus était son visage, assurément non humain. Des yeux rouges, deux cornes rabattues… Une Tieffelin.


 
Elle échangea quelques mots avec l’aubergiste qui lui désigna la table de la Denrée et Gorshet, vers laquelle elle s’avança d’un pas chaloupé et nonchalant après un bref sourire.
 
« Bonsoir Madame, messire. Mon ami l’aubergiste m’a fait savoir que vous pourriez avoir besoin de mes services ? Je me nomme Kax Nihilum. »

Kax regarda la Denrée, puisque c’était elle qui avait pris la parole.
 
« Bien sûr je peux vous aider. Je suis là pour ça, c’est mon travail. Vous avez bien demandé un guide, non ?
- Ouais, intervint Gorshet.
- Bon. Vous ne trouverez pas meilleure que moi dans le coin. Par contre, pour la même raison, mes tarifs ne sont pas à la portée de la première bourse venue.
- Ouais.
- Vous voulez aller où, exactement ?
- Hama… Hara… euh… Denrée, c’est toi k’tu négossies. Ferme ta trogne, on voit bien k’t’as pasd’karies et réponds-lui. »
 

[HRP : Décidément, la Denrée a de gros soucis avec ses sens. Sourde avec l’aubergiste, aveugle au point de ne pas remarquer la poitrine de la guide… La maladie dégénrative l’aurait-elle touchée à l’insu même du narrateur ? ]

Kax prit la carte posée devant la Denrée et l'étendit sur la table.

"Bon. On est ici. Elle posa son doigt sur Rethmar. Et vous allez par là. Elle laissa glisser son doigt sur le vélin en direction de l'ouest. Les terres sauvages. Le Royaume sans tête vous voulez dire ?

Pas de souci, je peux vous y mener. 

Combien de personnes ? Juste vous trois ? A cheval ?"