Quatre Chemins

Le baiser fut réciproque. Un besoin impérieux se fit jour en elle parce qu'elle prit possession de sa bouche avec désir et il y répondit de son mieux, un peu étonné par l'afflux de sensations et de sentiments qui le submergea.


Elle cessa d'un coup et ce n'est qu'en entendant arriver les villageois qu'il comprit pourquoi. Il lui prit doucement la main et se retourna.


Jacob s'avançait à leur rencontre.

"La nuit a été calme apparemment. C'est dommage, si les Gobelins étaient revenus, ils auraient eu une mauvaise surprise.
- En effet. Mais ils font route vers le nord à présent. Ils sont déjà bien loin. Il est fort probable qu'ils sont allés rapporter ce qu'ils ont vu et chercher de nouveaux ordres.
- Mmmm. Alors ils pourraient revenir en force. Ou éviter le coin par peur de ce qui pourrait s'y trouver maintenant. Ce ne sont finalement que des Gobelins. Face à nous, simples villageois, ils sont courageux, mais face à la magie, ce n'est pas la même chanson...
- Non, c'est vrai. Mais nous allons quand même placer nos pièges et nos runes et nous leur laisserons quelques petites surprises. Je crois que Magnolia a la tête pleine d'idées à ce sujet. Explorez le village, c'est votre nouveau chez-vous désormais...
- Merci infiniment."


Jacob s'inclina devant eux.

Un peu interloqué, Jacob hocha la tête.

"Bien sûr, tout de suite."

Puis se tourna vers les villageois.

"Les gars, il me faut un tas de boîtes, caisses, coffres, tout ce que vous trouvez !"

Les villageois s'égayèrent pour satisfaire à la demande.

Le village désormais reconstruit reprenait tout doucement vie. Les deux Huldras avaient fait un travail incroyable et les constructions, désormais d'une seule pièce, ne possédaient plus ni failles, ni interstices, ni fuites. C'était la perfection - en termes d'isolation en tout cas.


Il ne manquait plus qu'à remeubler, mais ce n'était pas le pire.


La milice était arrivée de Castellac deux jours plus tard, menée par P'tit Luc, au grand soulagement de sa mère, Selma.


Une garnison de quarante soldats avait pris ses quartiers à Quatre Chemins. Elle était dirigée par le Lieutenant Thronn Leertal (humain, 35 ans) et ses seconds étaient le Mage Yanis Courtaud (humain, 33 ans) et le Prêtre d'Azzerath Jana Corwyn (humaine, 34 ans).


La population était sortie de sa cachette souterraine et les quelques animaux sauvés avaient retrouvé leurs prés en attendant que les fournitures nécessaires pour leur entretien à l'intérieur soient arrivées.


Tous les jours, de nouveaux arrivants passaient les portes du village. Ils s'installaient généralement à l'Auberge du Carrefour, mais les habitations étaient pour le moment plus nombreuses que les habitants, donc ils n'y restaient pas longtemps.


Aujourd'hui ne fit pas exception : alors que Jacob inspectait les arrivées de marchandises, plusieurs pèlerins franchirent les portes, mais l'une d'entre elles attira son attention. Elle état bien plus jolie que la moyenne et avait une façon de marcher, un port différent. Il la regarda longuement, incapable de détourner les yeux tandis qu'elle déclinait son identité et le but de sa venue aux gardes de faction.



Jacob

Hélène face aux gardes de faction :
" Nous avons fui notre village par peur. Sans défense que ce soit matériel et humain, nous avons préféré prendre la fuite à cause des Orks et Gobelins qui attaquaient les villages des alentours.

Nous sommes dispersés et moi voici devant vous, nue. C'est le bon mot nue. Je suis à poil, je n'ai plus rien et je quémande de l'aide."

Jacob s'était approché sans trop s'en apercevoir, aussi entendit-il la fin de ce que la jeune femme disait aux gardes. Il s'avança plus franchement alors et vint se placer à leurs côtés alors qu'ils répondaient d'un laconique "Les réfugiés c'est par-là" en montrant un établissement apparemment nouvellement érigé sur la droite d'Hélène.

"Hem... Excusez-moi mademoiselle, mais je n'ai pu m'empêcher d'entendre votre malheur. Je suis Jacob, et c'est moi qui ai la charge de ce village. Que puis-je faire pour vous aider ?"


Il l'emmena quelque peu à l'écart des gardes afin de la mettre plus à l'aise pour discuter.

Le chef en personne! elle lui sourit et lui répondit
_ " C'est à moi de vous aider...J'étais au service dans une maison de maître, je peux servir dans votre maison Sire. Suivante, bonne, servante, je peux l'être pour vous. Je vous propose, humblement, mes services"

Il n'avait même pas eu le temps de penser à lui proposer de l'héberger qu'elle lui proposait déjà ses services. Et quels services ! Depuis le décès de son épouse quelques années auparavant, Jacob était bien seul et avait du mal à s'occuper de lui. De ce fait, il était beaucoup dehors, impliqué dans la vie de sa communauté.

"Je... euh... Oui, sans doute, mais je ne suis pas... enfin... Vous me prenez un peu au dépourvu pour tout vous dire."

Il éclata de rire.

"Mais pourquoi pas ? Venez à la maison.  Nous parlerons de vous et nous verrons ce qu'il y a lieu de faire."

Elle suivit le chef du village. A peine arrivée, elle était sur ses talons...Répondre par une autre question l'avait déstabilisé, il fallait continuer...

Il l'emmena à travers le village vers une maison de belle taille. Ce village était étrange. Il semblait comme sorti du sol. On aurait dit que le même architecte avait construit toutes les bâtisses tant elles étaient semblables.


Dans toutes les rues, les habitants étaient occupés à placer des portes et des fenêtres.


Ils entrèrent dans la bâtisse où l'humidité tacite imprégnait les murs. De grandes pièces en formaient le rez-de-chaussée, munies d'un âtre de très belle taille, mais chichement meublées.

"En réalité, ce village doit vous paraître étrange. Mais commençons par le début voulez-vous ?"

Il prit une chaise qu'il lui présenta.

"Asseyez-vous je vous prie. Puis-je vous offrir quelque chose à boire ? Je crains de n'avoir cependant que de l'eau ou... de l'eau."


Il sourit brièvement.

" Vous êtes bien aimable"
Elle s'assit
" Ne vous embêtez pas. Je n'ai point soif."
Elle se mit droite, sa tresse sur le côté, de l'autre elle montra une épaule bien blanche avec un petit grain de beauté. La bretelle de son vêtement était descendue sur son avant-bras. 
" Étranges vous dites? j'ai supposé que vous aviez été attaqué. Plus de portes, ni de fenêtres...il y a eu un sacré carnage? Vous décidez quand même de rester?"

Jacob avait remarque la façon dont la tresse épousait la courbe de la poitrine de la jeune femme Son regard revint à ses yeux mais glissa de l'autre côté sur sa peau nacrée et un tic nerveux secoua sa paupière.


Il s'assit face à elle et continua, malgré un blanc qui souligna l'impact de la jeune femme sur lui.

"En réalité, nous avons subi un assaut des Gobelins. Deux émissaires des Huldras sont venus par après et ont littéralement fait jaillir ce village du sol ! A notre charge de le remeubler et de le réorganiser maintenant. Mais rien qu'à voir les structures des bâtiments, on devine sans mal leur solidité. Ils sont comme nous tous, leurs habitants !"

Son oeil perdit de son éclat.

"Enfin presque tous. Nous avons tous perdu des êtres chers durant ces années de conflit..."

Hélène fit la même tête que Jacob...
" Nous avons tous perdu un proche....il est loin le temps où nous étions en paix..."

"Vous aussi ?"

Jacob parut sincèrement touché. Il lui prit les mains. Il avait besoin de parler. Visiblement elle aussi. 

"Racontez-moi..." dit-il doucement.

"Non, je n'ai pas de servante. Je n'ai plus personne qui vive avec moi. Pas d'enfants, pas de femme, même pas d'animal. Je suis seul."

Il regarda les mains qui avaient gardé la sienne entre elles puis releva le visage vers celui de la jeune femme.

"Assurément vous n'êtes pas une servante mais une maîtresse de maison à tout le moins, n'est-ce pas ? Je peux vous offrir le gîte, le couvert et la chaleur d'un foyer, mais il vous appartiendrait de gérer la maison et le quotidien. 

Je n'ai pas encore grand chose, mais je pourrai bientôt vous payer. En attendant, nous partagerons mes maigres possessions. La soirée ne tardera pas. Restez à tout le moins pour ce soir, je vous invite. je nous préparerai quelque chose. Ce sera simple, mais c'est le mieux que je puisse offrir aujourd'hui."


Il avait l'air d'avoir réellement envie de ne pas passer la soirée seul.

" Un chef doit avoir une maîtresse de maison et je suis disposée à l'être."
Lui tenant toujours la mimine
" Vous pouvez compter sur moi...mais il faudra bomber ce torse pour plus de prestance. Vous êtes un chef et vos ouailles comptent sur vous. Et ce n'est pas à vous de faire à manger, vos ouailles sont là aussi pour ça. Voulez vous que j'aille pour vous demander un bon et copieux repas?"

Elle ne le lâchait pas, il ne la lâchait pas. Il ne se posa même pas la question de savoir ce qui lui arrivait. Il se sentait bien pour la première fois depuis ce qui lui semblait une éternité. 

"Euh, d'accord, je vous laisse vous occuper de notre repas alors. Mais n'oubliez pas que le village est pour le moment bien pauvre et que nous devons nous serrer les coudes au maximum."

Il lui sourit.

"Bomber le torse hein ?"


Il avait l'air amusé et les rides que son sourire provoquait au coin de ses yeux lui donnaient un charme nouveau.

" Pauvre ou pas ils doivent vous faire à manger à moins qu'ici vous avez d'autres lois? Je suis nouvelle donc je n'ose hausser la voix mais ils le doivent? De quoi avez-vous envie pour ce soir pour que j'aille passer commande? Un porcelet, de l'oie, du canard, biche, cerf, lapin? avec des légumes, des pommes de terre?"
Rien que d'énumérer tout les aliments, son ventre gargouilla...

Il semblait étonné qu'elle ne pût penser cela, mais il répondit avec calme et douceur.

"Non. Avant, c'était le cas, mais nous sommes dans un état critique et tout le monde met en commun les ressources à disposition. En réalité, nous faisons tous table commune. Etant donné la situation actuelle, l'entraide totale est le seul moyen de s'en sortir. Les émissaires huldras nous ont fourni de nouvelles infrastructures, mais nous devons maintenant reconstruire le reste du village. 

Des soldats de Castellac vont arriver pour protéger le village. Mais ce qui est le plus attendu sont les caravanes de ravitaillement.

Mais je suppose que si vous décidez de prendre quelques vivres pour faire le repas ici il n'y aura pas de problème. Sinon nous irons manger dès que possible. Entre-temps, si je vous faisais visiter la maison ?"

C'est quand il se leva qu'il remarqua que leurs mains étaient toujours liées. Il s'empourpra et la lâcha.

"Je... Hem ! Excusez-moi..."

Il l'emmena alors dans les couloirs de la maison, lui faisant faire le tour du propriétaire. La maison était spacieuse à défaut d'être belle. Encore une fois, l'architecte avait fait dans le simple et pratique, pas dans l'ostentatoire.


Il y avait de nombreuses pièces inoccupées et celle qui servait de chambre à Jacob ne comportait qu'un lit, une chaise, une petite table et une armoire rudimentaires.

"Je n'ai pas d'autre lit, aussi vous dormirez ici et je dormirai dans le salon. Il y fait bon et j'ai connu bien pire..."

Il esquissa un sourire confus devant la triste hospitalité qu'il était en mesure d'offrir.

Jacob secoua la tête, manifestant son désaccord.

"Non. Vous êtes sous mon toit, je vous offre mon hospitalité. Vous prenez le lit. Depuis plusieurs mois je dors dans un souterrain alors, imaginez un peu : un feu, des couvertures, un oreiller... C'est le paradis. Et je ne veux pas de discussion, le sujet est clos."

Il se demanda s'il avait été trop intransigeant mais de toute façon il était maître chez lui non ? Il la regarda malgré tout avec une légère appréhension. Depuis que son épouse avait péri une dizaine d'années auparavant, il n'avait plus trop l'habitude de se trouver en tête-à-tête avec des femmes et celle-ci avait l'air de ne pas manquer de caractère. 


Il faudrait se méfier sinon elle le ferait tourner sur le bout de son doigt en un tournemain. Mais il se prit à penser qu'il n'en serait peut-être pas si mécontent...

Elle baissa la tête, empoigna sa robe par les deux bouts et plia les genoux.
" A vos ordres Maître"
Elle a peut être été trop familière alors elle se reprit immédiatement pour éviter de fâcher le chef du village.
Surtout si elle veut obtenir un bout de son trône. Indispensable et obéissante elle serait...

"Maître ? N'exagérons rien. Je suis ton employeur, pas ton maître. Appelle-moi Jacob, ça suffira."

Il lui lança un regard amusé.

"Bien que Maître gonfle mon ego. Entre nous, tu peux m'appeler ainsi si tu le veux. Ce sera notre petite plaisanterie."

Il termina de lui faire visiter la maison puis la ramena dans l'entrée.

"Il est temps d'aller manger à présent, puis nous nous retirerons pour la nuit. Demain sera une grosse journée. D'autres convois sont attendus, avec notamment du bétail et des fournitures de première nécessité."


Il l'emmena alors à l'extérieur vers une grande bâtisse qui devait servir d'entrepôt mais qui n'avait pas encore pris ses véritables fonctions et servait pour le moment de réfectoire général.

Au moment de rentrer dans l'entrepôt, Hélène se mit immédiatement derrière Jacob et le suivit tête baissée. Elle voulait montrer aux autres qu'elle était sa nouvelle boniche.

Seule avec des inconnus, elle en profita pour ce renseigner sur Jacob.
" Votre chef est-il important? Je veux dire est ce que le Seigneur Vildrek le porte en haute estime?"