Le règlement des affaires en souffrance

"Une idée ? avec ton berserker aux kommandes ? Bah on le laisse charger, et on essaie de sauter en marche au meilleur moment ! Par kontre, du koup, pas d'drow survivant main'nant ! Faut éviter les kafteurs si on veut sortir de ce pays pourri !"

Les gemmes autour de son œil mécanique, qui s'étaient calmées depuis qu'ils étaient partis du fort, se mirent à s'allumer follement à nouveau.

Il remarqua un petit tronc d'une 10aine de centimètres de diamètre à côté du chemin. Il le saisit de sa main mécanique et fit jouer les vérins. Il referma son poing d'un coup sec, broyant le bois et sectionnant le tronc sans difficulté. Tandis que le tronc chutait au sol à côté d'eux, il regarda enfin le comique troupier en collants verts.

"Le temps ke ton "glaive" parcourt la distance entre ton fourreau et mon cœur, j'en aurais brisé la lame une dizaine de fois ! T'auras l'air fin avec un manche et rien au bout ! J'ai pas d'blé, alors ta taxe, j'm'en kogne ! Allez vas-y, te gêne pas ! Explose ! Pète un kable ! Emballe toi ! ... Ou alors dégage de mon paysage péquenaud ! J'ai pas k'sa à foutre de devoir supporter tous les bouzeux ki s'la pètent de ce patelin d'abrutis !"

Zibotron amorça un pas de course vers le brigand. Son épée fusa du fourreau. Le coup d'estoc aurait dû frapper le gobelin mais il se baissa. Une feinte, car la lame s'arrêta et attaqua sous un autre angle mais alors qu'elle allait toucher, le gobelin inclina son cou, laissant la lame frôler sa capuche. Les gemmes de l'oeil mécanique tournaient à plein régime.

Un nouveau double coup d'épée déguisé dans une feinte mais Zibotron les esquiva encore, se maintenant hors de portée du mordant de la lame. Lorsque soudain un éclat lumineux apparut au bord de l'angle de vue du gobelin. Le brigand tenta de lui planter sa "main gauche" en plein mouvement, droit dans le torse, mais le gobelin fouetta dédaigneusement l'air de sa griffe, faisant sauter la dague de la main de l'humain.

Déstabilisé, le brigand n'eut pas le temps de se reconcentrer lorsqu'un choc fit vibrer son autre bras. Zibotron venait de donner un large coup de taille qui brisa net la lame de son épée. Il ramena son bras dans un autre coup de taille et trancha net le poignet de son adversaire. Lorsque la main toucha le sol, elle était toujours crispée sur la poignée de son épée brisée. Le brigand hurla.

Il vit un regard haineux de son adversaire pas encore vaincu qui attisa sa rage. Il planta la lame de son kriss dans la cuisse de l'humain et tandis qu'il s'écroulait, lui asséna pour le compte un crochet qui lui brisa la machoîre dans un bruit métallique mat. Il s'effondra au sol.

Zibotron daigna enfin se tourner vers Schlykkro, sûr de découvrir un carnage.

"Excès de rancoeur et de kolère, j'ai les implants qui dékonnent ! Cà me file un mal de krâne de tous les diables ! Dès k'on arrive à Al Hinna, faudra ke j'aille voir d'abord un forgeron duergar pour k'il fasse une maintenance du bordel, ou mon humeur va empirer ! "

Zibotron avançait d'un bon rythme.

"Je ne sais peut-être pas où on est, mais je sais dans kelle direction est Al Hinna, et j'y vais en ligne droite là !

On est en plein Dambrath, et vu k'on s'est barrés avant d'avoir touché un kelconke pactole fictif concernant un salaire imaginaire (NDLR : et oui, ce sont des gobelins, pas des attachés parlementaires non plus), on n'a pas un rond !

Ici les gobelins, ils s'écrasent ! Là-bas, ils ont le droit de mettre des poings dans les tronches !"

Shlykkro remarqua très vite qu'il n'y avait pas que Gynch' qui ne dormait plus. Le cyborg ne trouvait pas le sommeil et une espèce de force peu rassurante le maintenait éveillé. Une force très gourmande en énergie car s'il ne dormait plus, il en mangeait cependant bien plus que sa part habituelle, sans pour autant grossir.

Finalement, Shlykkro se surprit à ne pas se sentir dépaysé à Al Hinna, pourtant, il n'y était pas resté si longtemps que çà la dernière fois.

Pour Zibotron par contre, il était comme un poisson dans l'eau. Dans la première ruelle étroite dans laquelle ils passèrent, 3 malandrins tentèrent leur chance face à 2 petits gobelins et un loup. Ils ne savaient pas à qui ils avaient à faire. Mal leur en prit car avant la fin de la première phrase, une tête vola d'un coup de griffe, un deuxième n'eut pas le temps de crier lorsque Gynch' se jeta à sa gorge et referma ses mâchoires dessus. Quant au dernier, alors qu'il faisait face paniqué à un Shlykkro au regard sanguinaire, arme dégainée, il ne vit pas venir le coup et la pointe de la lame d'un kriss ressortit de son abdomen, transpercé en plein entre les reins par la "jambe de bois" de Zibotron qui s'était jeté dans son dos.

"Hé, hé, hé ! On m'a même préparé un p'tit comité d'accueil ! Cadeau de bienvenue à Al Hinna ! J'adooore c'te ville !"

Zibotron ne ressemblait plus du tout au Zib' d'avant ... vite un forgeron.

Après 2-3 prises de renseignements et négociations musclées, certains indics des bas-fonds étaient au courant du retour en ville de Zibotron mais surtout, ils avaient enfin l'adresse qu'ils voulaient. Un forgeron en activité et son officine.

Shlykkro prit la tête de l'équipée, son Worg rassasié par le carnage était moins agressif, et l'autre se comportait depuis quelques minutes comme un zombi, tant mieux.

Les 3 gnomes observèrent le manège du worg à l'entrée d'un seul œil tout en continuant leurs tâches.

Zibotron leva sa paupière valide vers eux et essaya de les dévisager.

"Mélicénoscilykanos ! Tu veux bien aller me chercher le vieux ?

Arrête de me faire perdre mon temps ! J'me doute bien k'le père du vieux reçoit plus personne, il est klamsé depuis 20 ans déjà ! Va me chercher Maître Gundrungdorssenn ! (Il leva son avant-bras droit, la manche retomba sur le coude dévoilant son bras mécanique)

Chef Zib' ? Toujours vivant ? (fit un autre des gnomes)

(Il avisa la mine de déterré de Zibotron) ... Enfin ... pas si sûr ... Qu'est ce que tu viens faire chez moi ?

Le duergar regarda un instant Gynch' ...

Pas un Worg normal çà ! J'm'y connais moi ! (Il se tourna ensuite vers Shlykkro) ... Et tu me présentes ton pote ? Lui aussi veut s'faire réparer un morceau ?

Il n'a pas besoin de réparation, J'te présente Shlykkro Barg'Urg ! Un vrai psychopathe, il va t'plaire ! (le nain noir éclata de rire)

Ok, ok ... vous m'taillerez l'bout d'gras plus tard ! Toi, sur le billard tout de suite ! Faut qu'j'épluche ton attirail ! Toi, tu peux nous suivre si tu veux ..."

Les 2 gobelins suivirent le duergar dans son "arrière boutique" ...

De part et d'autres de la pièce, un alambique biscornu filtrait des liquides épais aux couleurs peu attirantes. Au centre de la pièce, une grande table de pierres qui ressemblait plus à un chevalet de torture qu'à un lit d'hôpital. Et dans le fond, un renfoncement abritait des étagères aux contenus obscures, une enclume enchainée au sol qui luisait de runes spectrales, et qui occupait la majeure partie de l'espace, un autel qu'on pouvait clairement identifier comme démoniaque, d'où émanait une énergie inquiétante qui pulsait à un rythme régulier.

Zibotron s'allongea sur la table de pierre et le nain noir activa un levier au mur. Des chaînes aux 4 coins de la table s'animèrent comme des serpents et se saisirent des poignets et des chevilles du gobelin pour l'immobiliser. Gundrungdorssenn plaça devant son œil droit une lentille de joaillier qui se verrouilla à son arcade et à sa pommette, puis sortit de sa poche un étui contenant des outils de précision. Il s'approcha de Zibotron et tapota sur le bras mécanique. Les plaques extérieures s'ouvrirent comme un crustacé trop chaud, dévoilant les mécanismes. Le nain commença son inspection.

"Tiens, l'spectateur ... pose toi dans un coin pendant que j'bosse ! Mais fait gaffe à ne rien toucher, certains trucs ici sont un peu ... vivants !"

Tandis que Zibotron grimaçait de douleur et que le nain était toujours occupé à farfouiller dans son bras, Shlykkro sentit comme un regard posé sur lui. Cà ne pouvait être ni le duergar, ni le gobelin. Il se retourna et crut un instant que les grands yeux de l'autel le regardaient. Une ou deux armes scellées aux murs par de lourdes chaînes luisaient elles aussi de la même aura spectrale que l'enclume.

"Mais c'est pas de l'entretien çà espèce de brute ! Ar-Me Dé-Mon ! Çà veut bien dire c'que çà veut dire ! Gros malin ! T'aurais eu l'air fin si t'avais fini gobelin berserk sanguinaire ! J'aurais pas donné cher de la peau d'ton pote, ni du vampire que vous trimballez avec vous ! (Zib' leva péniblement son œil valide vers Shlykkro qui regarda surpris le nain) ...

Pour le bras du gamin là, j'peux faire quelque chose, mais pour vot' bestiole ... c'est plus mon rayon !"

Des volutes de fumée s'enroulaient mollement autour du gobelin.

"Hélà gamin ! Fais gaffe à tes mains ! Je me sers de l'autel pour nourrir d'énergies démoniaques les objets inertes ! Alors imagine un peu ce que çà peut faire à une créature vivante ! Cà pourrait tout autant t'utiliser comme nourriture ou pour te posséder, fait gaffe !"

Comme un enfant qui se serait fait gronder, les lueurs spectrales de l'autel faiblirent légèrement et la fumée "lâcha" Shlykkro pour s'engouffrer entre les dalles à ses pieds.

"Bon et toi l'inconscient numéro 2, tu comptes me payer comment ?"

"Humm ... compte tenu que ce n'est qu'une maintenance, et que t'as l'air d'avoir pas mal maigri depuis qu't'es plus chef de guilde  ... déduit 5kg de plomb, 3 d'acier, et un galon de sang, on devrait être au plus juste comme çà !

(Le duergar se mit à éclater de rire tout seul) ... Tu sais qu'il n'a toujours pas décroché les têtes de ses cousins que tu avais accroché au mur ? Y'en a même qui disent qu'ils l'on surpris à discuter avec eux !"

Zibotron se crispait sur la table de pierre. Des veines noires commençèrent à apparaitre autour de l'oeil bionique, couvrant le côté du visage, de sa tempe à la mâchoire, et son front.

Le duergar ramassa un tournevis de sa petite sacoche et se jeta sur l'oeil, opérant quelques réglages. Les gemmes s'éteignirent les unes après les autres. Le sang noir dans les veines reflua lentement jusqu'à la mécanique.

"Mouais ... ben j'en ai pas envie fini avec toi ! Reste sage ! (Il se tourna vers Shlykkro) ... Euh ... si t'as faim, tu peux aller voir mes assistants, ils pourront te filer à bouffer en attendant que je termine ! "

"Ouais, pas de soucis, vient ! On a un garde manger là ! "

Les gnomes lui filèrent un tabouret et firent tourner pâté, viande séchée et gnole corsée. Fallait bien un estomac de gnome pour encaisser un pareil débouche-évier.

"Moi j'en connais un une fois, il s'est carrément fait posséder par son arme ... il est dev'nu tout rouge, il a tué tous ses potes !

Voilà pourquoi il ne faut jamais négliger l'entretien ! Autant du point de vue de nos clients ! Autant pour nous de le leur rappeler régulièrement ! C'est pas que pour se faire du blé en SAV ... il en va aussi de leur intérêt ! "

"Lui greffer une arme-démon à la place de son bras perdu ! Sa griffe mécanique est capable de jouer à armes égales avec des épées enchantées sans problème ! Le Zib' voulait une arme qui pourrait parer les coups d'une masse divine mais çà n'a jamais été testé j'te dirais ... comme s'il connaissait un mec avec un tel matériel, j'en ai jamais croisé moi ! (Shlykkro pensa inévitablement à l'arme divine d'Uglagob)

Pour sa jambe, il a tenu à garder en souvenir sa "jambe de bois" ... On s'est juste chargé de scellé correctement la lame de kriss, un acier d'une belle qualité il est vrai ! "

"Euh ... nan !

Et puis plus tard il est revenu nous voir lorsqu'un des cousins d'Hassan lui a crevé l'oeil juste avant de se faire décapsuler la tête ! "

Un simple produit de forge, on le fait payer en monnaie normale ... mais les "produits spéciaux" suivent le principe d'équivalence alchimique ! (voyant les gros yeux du gobelin sur son terme scientifique, le forgeron traduisit) ... Rien ne se perd, rien ne se crée ! Une quantité de matières diverses de valeurs équivalentes doit être consommée, sacrifiée si tu veux, pour qu'un nouvel objet avec des capacités d'un autre plan puisse exister ! On utilise la forge-démon et on sacrifie l'offrande !

Le bras toujours décortiqué comme un crabe dans son assiette, Zibotron geignait tandis que le forgeron duergar avait entreprit d'ouvrir la lentille centrale de son oeil et farfouillait avec de fins outils dans les mécanismes directement connectés à son cerveau.

"Tant que tu te plains et qu't'as mal, c'est que t'as encore le contrôle ! C'est plutôt bon ! T'es arrivé à temps ceci dit ! Il n'aurait pas fallu attendre une ou deux semaines supplémentaires ! On se serait retrouvé avec un berserk possédé ... avec ton matériel, çà aurait fait du dégât ! "

"Faut jamais sous-estimer un hobgobelin ! C'est plus fourbasse que le plus fourbasse des gobelins ! Sans vouloir te vexer ! Et Hassan est un sacré vachard de rancunier de fourbasse de salopard si tu veux mon avis !

La traitrise face à la colère ... çà va faire du grabuge en ville dans pas longtemps ! "