Le règlement des affaires en souffrance

Par contre, tu comprendras bien que pendant que "çà" se passera ... notre position officielle sera la plus parfaite neutralité ! Histoire d'éviter les représailles des potes à Hassan ... "

"Ah sisi t'inquiète ! Ne serait-ce que par convictions personnelles, on va parier sur l'Zib' ... et puis aussi par intérêts ... faire des affaires sous le joug d'Hassan ... c'est de plus en plus impossible ... si tu voyais le vieux pester quand il fait les comptes ... c'était mieux quand c'était Zibotron qui tenait la baraque !

Si les énergies démoniaques se sont infiltrées trop profondément dans les veines de Zib', le vieux va être obligé de lancer une purge ... çà peut prendre du temps ! Suffit d'être patients ... il n'a pas encore demandé notre soutien, c'est qu'il peut gérer seul ... donc y'a bon espoir ! "

"Ouais j'ai un truk ki korrespond ! On va essayer d'faire profil bas au départ mais komme faut k'je rappelle mon bon souv'nir à kékzuns, on va en profiter ! Et puis j'ai une dette toute fraîche à zonorer !

A plus les grisâtres ! "

Il entraina Schlykkro à travers un dédale de ruelles improvisées façon bidonville jusqu'au quartier des hommes du désert. Les tronches "pas-tibulaires mais presque" des 2 gobelins dissuadèrent quelques clodos de les importuner pour gratter quelques pièces, voire une bourse entière.

Arrivés chez les enturbanés, Zib' commença à taper quelques mains au détour des premières ruelles. Schlykkro comprit très vite que ce quartier était une vraie nasse, chaque mec croisé n'était pas en train de se reposer nonchalemment, mais servait de sentinelle. Leur arrivée était très certainement annoncée dès les premiers mètres. Toute personne non autorisée aurait un mal fou à s'enfoncer dans le quartier sans se faire repérer.

Au détour d'une impasse, Zib' toqua à une porte selon un code complexe et un judas s'ouvrit sur le regard sévère d'un numide. La porte s'ouvrit ensuite et ils entrèrent dans ce qui était en réalité une taverne cosmopolite.

"Là, on va bouffer correk' ! Et se reposer un poil aussi ! "

"Faut k'je passe des kontakts avant ... Ke j'collecte des zinfos ! Mais tinkièt', dès k'on passe en mode zigouillage, t'auras tout c'ki t'faudra ! "

"Vous savez que vous n'avez pas le regard des gobelins d'ici ? Approchez-vous !

Vu que je ne vous ai jamais vu, je dois en supposer que vous devez être le dénommé Shlykkro ? Vous excuserez un éventuel défaut de prononciation, mais de votre nom, je n'en connais que ce qu'on m'a dit ! Je suppose que notre ami commun va nous rejoindre incessamment sous peu ? "

Elle lui tendit une main à première vue franche. Décidément, cette ville était bien singulière, où les humains ne rechignent pas à serrer la main aux gobelins.

"Vous sponsoriser ! Qu'en dites-vous ? (Elle laissa passer le temps qu'ils encaissent) ... Que je m'explique, un certain nombre de commerçants, qui ont eu vent du retour en ville d'un revenant finalement pas si mort que çà, en ont assez de la façon dont Hassan gère la guilde des "gens d'en bas", et accessoirement tyrannise le quartier aussi !

"S'ke j'en pense déjà, c'est k'cé sympa k'y'en a k'on gardé un meilleur souv'nir de moi ke d'se saloupiot !

*Ils sont méfiants décidément ! Vous me direz, pour survivre dans ce métier ...*

"L'assurance qu'il n'y aura pas de représailles sur eux ou leurs familles ! Ils vous soutiennent certes, mais de loin ! Sans aucun lien officiel ! Si ce mécénat vous intéresse, c'est mon personnel qui sera vos contacts, les commerçants préfèrent rester neutre dans les guerres de gangs, de succession, et autres "affaires dangereuses" !

Si des hommes d'Hassan débarquent chez eux, ils ne sauront rien sur rien ! Encore moins où vous trouver ! "

Su-Lee regarda ses hommes un par un. Ils ignoraient ce qui se passait autour de la table, tous de dos, ils surveillaient alentours la foule et les grands axes.

Au moindre signal, il faudrait se disperser parmi les badauds, mais pour le moment, la discussion suivait son cours.

"Ouais j'suis dakor ! Ya un truk pas klair ! Ya baleine sous gravillon !

Dakor, Hassan est une enflure de première et il doit bien pourrir la vie des gens ici ... mais depuis kand j'suis devenu le gendre idéal ?

Pourkoi k'ils sont si gentils avec moi d'un koup ? "

Su-lee se redressa, et s'appuya plus détendue sur le dossier de sa chaise.

"Me voilà rassurée, je vois mon cher Zib' que les années ou tes implants n'ont pas ramolli ton cerveau ! Et ton pote a l'air aussi suspicieux que toi ! Donc on va pouvoir parler sérieusement ... par contre ... pour le reste il va falloir changer le décor ... "

Elle regarda alentours et soudain claqua des doigts en prenant soin de faire un clin d'œil aux 2 gobelins. Un marchand à proximité déplia une étoffe de tissu rare, des badauds s'attroupèrent pour regarder, une charrette fit s'écarter quelques passants, des gamins des rues vinrent faire la manche devant les clients des autres tables et les gros bras reculèrent en chœur de leurs position pour se retrouver tout contre la table.

A l'instant même où ils furent entièrement cachés à la vue de toute la zone, une vibration douce vit trembler le sol sous eux. La dalle circulaire sur laquelle reposait table et chaises descendit rapidement d'un étage pour freiner avant de s'arrêter au niveau des égouts. Au dessus d'eux, un nouveau plafond avait pris place et tous, marchand, clients, gros bras, charrette et gamins de rues s'éparpillèrent. De cette table il n'y avait plus aucune trace près de l'estaminet.

"Hassan a des espions aussi ... autant se mettre à l'abri des oreilles indiscrètes ! ... Quoi ? Pourquoi avoir commencé la conversation dans un lieu public alors ? Et bien disons que le fait que les commerçants ont mis de l'argent de côté pour vous sponsoriser doit déjà avoir fuité, et au moins comme çà, le fait qu'ils affirment une neutralité officielle va pouvoir lui aussi voyager ... Pour le reste maintenant ...

En fait, je pense qu'ils veulent vous engager en tant qu'assassins ! Ils ne sont pas spécialement désireux que vous repreniez le poste ! Mais ils voulaient vraiment vous convaincre d'accepter à mon avis ! La vérité c'est qu'ils ont peur d'Hassan et veulent vraiment s'en débarrasser ! "

Elle raccrocha nonchalamment une mèche tombante de cheveux aux épingles qui maintenaient son chignon.

"Ah là je te krois déjà plus ! Fallait kommencer par çà ! Mais t'es pas donnée ! T'as dû leur demander un max pour jouer les intermédiaires, non ? Ou alors tu m'as pas encore tout bavé ma chère ?"

Si l’œil mécanique fixait toujours le regard de Su-Lee, guettant la moindre réaction, l’œil biologique du gobelin glissait doucement le long de la jambe nue de la jeune femme.

Su-Lee s'empourpra un instant les joues mais elle semblait plus au bord de l'éclat de rire que de l'accès de colère. Ceci dit, elle rabattit tout de même un pan de sa tunique sur sa jambe.

"Ah oui ? Il sait faire aussi çà ton œil ? "

Zibotron manqua de déraper. Surpris par la remarque de son comparse. Son œil mécanique tourna dans tous les sens l'espace d'un instant, sa concentration perturbée.

"Hein ?!? Euh mais non ! Il est tout koncentré sur le boulot mon œil ! (il le montra du doigt juste au moment où il n'était plus concentré sur grand chose, tournant sur lui-même. Une vision légèrement perturbante) ... C'est l'ôt' ki ... euh et puis il sait pas faire çà ! Enfin pas vraiment ... enfin c'est pas exactement çà !

Elle n'est pas claire ton histoire !

Hééé mais enfin ! Pour ki vous m'faites passer allons !

Tu veux ke j'te rafraichisse la mémoire ?

Pas besoin, je sais bien ce qui se passait à la guilde quand tu la dirigeais ! "

Là, c'est le visage de Zibotron qui se mit à rougir.

"Mais euh ... C'est un prossé d'intenssion ! "

Tout le monde se mit à rire.

"Ceci dit, si c'est la suite de l'histoire qui vous pose problème, j'ai peut être une solution ! " finit-elle par glisser entre deux éclats de rire.

"Oui ! Je connais beaucoup de monde ici ... et souvent, il m'arrive d'en mettre certains en relations !

Si d'avenir, reprendre la guilde ne vous intéresse pas ... il est toujours bon de connaitre des personnes free-lance ... Avoir des personnages tels que vous dans mon carnet d'adresses serait très utile ... autant pour moi que pour vous ! "

L’œil mécanique tourna sur lui-même tandis que Zib regardait son acolyte.

*Là c'est le schykk' ke je konnais ! Avek mes zembrouilles, il avait souvent l'air perdu, pas dans son élément en fait, mais là c'est sa nature ki revient !*

"T'as pas tort ! Buter cet empaffé afin que tous ces enfoirés d'Hobgob' se souviennent bien k'il faut pas me chier dans les bottes, çà oui ! Et même plutôt deux fois k'une ! Par kontre, je krois k'je suis lassé des responsabilités d'un chef d'entreprise ! J'ai passé l'âge de ces konneries !

Mouais ... bosser au kontrat, çà a l'air marrant ! Çà libère l'esprit de pas mal de kontraintes ! Çà me dit bien aussi !"

"Pour ce qui est de faire un sort à un chef de guilde de voleurs et d'assassins, je vous laisse seuls juges ! Les commerçants ne font que financer le projet ... Quant à moi, je ne suis qu'une intermédiaire ! Pour le reste, vous avez carte blanche ! Nul doute que vous allez vite trouver tout un tas de bonnes idées, aucun de vous deux ne me donne l'impression d'être un gentil gobelinou !

Pour le paiement, çà j'en fais mon affaire ! Perso, je ne bosse pas à l'œil, et ils ont plutôt intérêt à payer ce qu'ils se sont engagés à donner ! De toute façon, ils perdraient trop à me mettre de mauvais poil ! Donc lorsque vous aurez assuré votre part du marché, je m'engage à vous payer rubis sur l'ongle la somme due !

Pour la suite ... Les commerçants seront peut être un temps rassurés de savoir que vous ne reprendrez pas illico le poste ... Mais laisser la place vacante, cela va forcément amener une guerre de succession le temps qu'un consensus se mette en place ! Cela va donner du travail aux gens comme moi !

Pour le reste, mon réseau se chargera de vous rendre "invisible" ... "

"Exakt ! Konnaissant l'ambition des gens d'ici ... Une place sociale intéressante laissée vakante, çà va attiser pas mal de konvoitises et va y avoir pas mal de koups bas et d'kontrats d'zigouillage ! Y'a moyen de se faire bokou de blé pour de simples zéxécutants ... ou zéxécuteurs, kom tu veux !"

Zibotron avait un sourire jusqu'aux deux oreilles en rejoignant l'idée de son pote. Mais maintenant que Shlykkro avait retrouvé ses bas instincts, ceux de Zibotron se réveillaient doucement, et il louchait à nouveau discrètement vers la tenue de la "courtière". Très dangereuse, très douée en affaires et avec beaucoup de relations, mais vachement bien foutue quand même.

"Oui, çà, les informations, je vais vous fournir tout ce que je pourrais obtenir ! Et je mettrais les artisans à contribution pour en avoir ! Ils vous doivent bien çà !

Oui, pour le poison, vous avez raison ... Il va vous en falloir un bon ! Et justement, je dois avoir une adresse qui pourra vous intéresser ! Si nous sommes d'accord sur les termes, je pourrais même vous la présenter ! Il sera plus pratique pour vous deux que vous n'ayez pas besoin de passer à chaque fois par moi pour vous fournir chez elle ! Laissez moi juste y aller la première pour préparer le terrain et je vous ferais signe que vous pouvez venir ! Cela vous va ?"

Après avoir fait la rencontre d'Emma et s'être fournis en poisons, les 2 gobelins se mirent au boulot.

Quels que soient ses moyens, Su-Lee réussissait à leur dégotter régulièrement les informations dont ils avaient besoin.

Ainsi, un soir, alors qu'ils faisaient la discrète tournée des commerçants "protégés", 2 hobgobelins, parmi les recouvreurs d'Hassan virent débouler dans la ruelle qu'ils empruntaient un gobelin couvert de la tête aux pieds de vêtements noirs. Nullement intimidés (normalement, c'est leur boulot à eux d'intimider), ils sortirent leurs cestus, prêts à châtier cet inconscient. Ils foncèrent en file indienne vers leur adversaire mais le premier coup du premier heurta le bras du gobelin dans un grand crissement métallique. Bien qu'étonné, il s'écartait déjà pour laisser passer l'attaque du suiveur mais le gobelin ripostait déjà. Sa manche déchirée laissait entrevoir des parties métalliques. L'attaque du second hobgob fut interceptée à mi-chemin par un large coup fouetté. En sortant, les griffes de Zibotron achevèrent de déchirer sa manche tandis qu'elles déviaient sans peine les pointes du cestus pour lacérer le bras de son adversaire sur toute sa longueur, Zibotron n'arrêtant son mouvement rotatif qu'après avoir lacéré de la même façon la poitrine du brigand. Alors que le premier hobgob retombait sur ses pieds, il vit son comparse s'affaler de tout son long dans la poussière, sans un cri. Il comprit instantanément le danger et sans attendre bondit vers l'arrière, cavalant à toutes enjambées pour mettre de la distance avec ce gobelin "aux griffes métalliques". Zibotron fit mine de le poursuivre pour concentrer son attention sur lui, lorsqu'en passant à côté d'un entremis entre 2 maisons, une violente douleur au flanc le freina dans sa courses. Examinant son flanc, il y vit une large plaie ouverte qui pissait le sang. Comment ne s'était-il rendu compte de rien, et pourquoi ne criait-il pas de douleur ? Il eut juste le temps de lever le regard vers Shlykkro qui s'extirpait tranquillement de l'espace qu'il bascula en arrière pour s'écrouler à son tour, terrassé par le poison. Faisant main basse sur la recette du soir indûment gagnée, les 2 gobelins disparurent dans la nuit, laissant là les deux cadavres dépouillés.

Un autre soir, l'initiative venait pourtant d'Hassan. Trois assassins s'introduisirent la nuit dans la planque de Zibotron et Shlykkro. mais avertis à l'avance, ils ne furent pas pris par surprise. Le premier assassin avait pourtant évité tous les pièges placés par Shlyk' pour arriver jusque là mais pas l'attaque éclaire du gobelin lui-même lui lui logea un poignard entre les 2 omoplates. S'en suivit un combat acharné à 2 contre 2. Les gobelins inversèrent leurs rôles lorsqu'ils réalisèrent qu'un des deux assaillants était un sicaire usant de magie. Le bras mécanique de Zib' pouvait parer ses projectiles magiques qu'aucun des 2 ne pouvaient esquiver. La pierre démon générant l'énergie nécessaire au fonctionnement du bras semblait même absorber en partie l'énergie des attaques mais Zib' craignait une éventuelle surcharge. Énervé d'être inefficace face au cyborg, le sicaire essaya de lancer un sort sur Shlyk' qui réussit in-extrémis à placer son adversaire sur la trajectoire. Le sort frappa son sabre juste au moment où il avait réussit à désarmer le gobelin. Le cyborg donna un coup de griffes réflexe et trancha la main du jeteur de sorts au niveau du poignet. Quant aux deux autres, ils continuaient au corps à corps. Il fallut quelques passes supplémentaires à Zibotron pour finalement terrasser son adversaire qui utilisait sa magie pour contrecarrer les effets du poison. Lorsqu'il tourna son regard vers Shlykkro, il était assis sur le dos de son ennemi et tirait sa tête en arrière d'une main pour mieux l'égorger avec un petit coutelas sorti d'une manche. Il ne fallut que quelques minutes pour qu'ils remballent toutes leurs affaires, déjà prêtes, ne laissant dans cette planque grillée qu'une scène de lutte, des meubles au sol et 3 cadavres, dont les têtes étaient plantées sur des épieux, dans l'entrée de la bâtisse, en guise d'accueil.