Le Manoir Drakentcheiev

Il descendit de sa monture et tambourina à la porte en hurlant " Rendez moi mes filles". Il était convaincu qu'elles étaient là.

La porte à peine réparée (Derek l'avait déjà détruite), il donna des grands coups de pieds dedans...

Soudain Derek et sa Comtesse sentirent une tension palpable dans le couloir et presque instantanément, la porte d'entrée de la chambre fut prise d'un frisson juste avant d'exploser en milliers d'éclats de bois. Derrière, Vassili pénétra dans la pièce sans attendre d'y avoir été invité.

"Vous espérez peut être que je vais nettoyer derrière vous vos conneries ? (tient, où est passée sa politesse légendaire ?)

Peut être que de votre temps ce lieu était synonyme de terreur parce qu'il s'y passait toujours des choses horribles, mais je me suis appliqué à assurer la tranquillité des lieux, ce manoir n'est pas connu du voisinage, et difficile à trouver grâce à la brume que j'ai mise en place ! Et là, j'ai le père de vos 2 proies qui vous à suivi directement jusqu'ici et qui tambourine à l'entrée !!

En à peine une seule sortie, vous nous mettez tous en danger car s'il s'en sort, tout son voisinage sera au courant de l'existence et de la position du manoir !! "

Même physiquement, le Comte avait perdu de son masque d'impassibilité distinguée, la colère marquait son visage, ses crocs étaient sortis et ses ongles saillants.

Vassili regarda le sang sur le sol. Il sentait les veines de son cou palpiter.

*Tout ce sang gaspillé ! Quel gâchis !*

"Pour nettoyer le sang, ou faire disparaitre les cadavres, j'ai du personnel pour çà, merci ! Par contre, vous occuper du père, j'escompte bien ! "

Il s'était attendu à une crise de rage de la Comtesse, à se jeter sur lui, mais rien ... Vassili se retourna brusquement, essayant de garder contenance et sortit de la chambre, les sens tendus au maximum, toujours vigilant malgré tout au moindre geste furtif.

En passant le pas de la porte, il croisa les regards d'Augustus et Vivéka, cachés dans le couloir, chacun d'un côté de la porte. Si jamais la Comtesse avait déclenché les hostilités, leur mission était de retenir aussi longtemps que possible Derek, le temps que Vassili vienne les aider. Ils semblaient rassurés que rien ne se soit passé, le soulagement se lisait sur leur visage, mais Vassili restait lui très tendu. Ils s'en allèrent vivement tous les trois.

"J'ai bien crue que c'était la fin !

Rien n'est fini ! Et chaque jour, elle retrouve ses forces ! Bientôt, nous ne pourrons plus rien faire !

Vivement qu'ils s'éloignent, cette cohabitation devient de plus en plus impossible ! "

Non loin de l'entrée, l'épouvantail au centre du potager s'anima. Le marchand de sable s'approcha de la terrasse au milieu de laquelle gisait l'humain exsangue. Il pencha sa tête de paille vers lui et le regarda un instant. L'épouvantail dodelina de la tête et glissa le bout de la lame de sa faux dans le col du malheureux avant de le soulever et de le basculer sur son épaule.

Il tendit sa main libre vers le sol et du sable s'en échappa, tourbillonnant sur la terrasse comme sous l'effet d'une légère brise, absorbant au passage toute trace de lutte et tous fluides vitaux. Lorsque le sable retourna dans sa manche, il n'y avait plus aucune trace du passage du père des jumelles. Il retourna vers son potager. Le marchand de sable trouverait bien un endroit pour enterrer ce futur générateur d'engrais et faire pousser quelque chose au dessus.

Dans les étages, à la chambre de la Comtesse et Lord Derek, Igor apparut dans l'encadrement de la porte et toqua contre le montant. Il s'inclina aussi bas que ses vieilles lombaires lui permettaient et entra lentement. Il posa à ses pieds une large panière et y déposa les corps des jumelles une par une. Il s'agenouilla ensuite et nettoya le sang avec un large chiffon et quelques produits de grand-mère. Se relevant, il s'inclina à nouveau afin de prendre congé.

"Comtesse, Messire, je vous prie de bien vouloir m'excuser, je reviendrais tout à l'heure pour remplacer votre porte !"

Igor le guida le long des couloirs jusqu'au bureau de Vassili.

"Euh et bien my Lord, j'entretiens le manoir, je prépare les repas et je veille aux demandes de Monsieur le Comte ! "

"Un lieu sûr ? Un abri ? "

Igor semblait sincèrement embarrassé.

"Et bien la région va bientôt ne plus être tranquille du tout ! De grandes menaces couvent ! Alors hormis une forêt reculé et épaisse, il vaudrait peut être mieux s'éloigner plus loin encore !

D'après ce que j'ai entendu dire dernièrement, l'empire d'Arianhrod ne semble pas menacé par une guerre imminente ... ou alors plus au nord encore ... "

Ce faisant, Igor l'avait introduit auprès du Comte.

Vassili se crispa à la demande mais essaya de garder un visage impassible.

"Je ne peux vous refuser cela, tant que l'existence du manoir n'est pas révélée à tout le monde, vous pouvez !

Igor a raison, ce pays va bientôt se retrouver en guerre malgré lui ! Si vous désirez un havre de paix, il va falloir s'éloigner des zones convoitées par les géants ! Soit des zones loin de leurs armées, soit peut être le cœur-même de leur territoire ...

Autrement, vous risquez de vous retrouver embarqués dans ce conflit malgré vous ! "

"Bien !

...

Oh ce n'était que conseil compte-tenu que vous désiriez un endroit tranquille ! Votre "retour à la vie" ne se situe pas sous les meilleurs hospices, des temps difficiles s'annoncent dans la région ! Ceci dit, tous les pays de ce continent ne sont pas en guerre ! Certains sont encore en paix pour le moment ! Peut être trouverez-vous l'abri qu'il vous faut !"

Ailleurs dans le manoir, dans un petit bureau garni de livres anciens, Augustus était assis dans un fauteuil crapaud à siroter un verre de vin épais, mais il n'arrivait visiblement pas à apprécier le moment. Appuyée contre une étagère de livres, Vivéka tournait machinalement une de ses boucles entre ses doigts.

"Elle reprend des forces ! Ceci dit, elle n'a plus de crises d'hystérie pendant ce temps là !
Oui mais elle sera bientôt trop puissante pour nous !
Je n'avais jamais vu Vassili aussi énervé ! On n'est pas passé loin !
Oui et sans la présence d'Erick, je crains qu'on ne soit pas d'une grande aide tous les deux !
Tu crois ?
Je sais bien que tu adores le taquiner, mais on n'est ni dans un jardin à concocter des poisons, ni dans une cave à composer des grands crus ! Nul doute que dans un combat, Erick est meilleur que nous 2 !
Qu'est ce qu'on peut faire ?
Même Vassili est coincé ! Préserver son domaine et son personnel est une chose, mais même lui ne peut enfreindre certaines règles !
Si Derek gagne à la fin, ne compte pas sur moi pour me laisser asservir ! Je filerais aussi sec par le premier courant d'air !
Peut être que nos voisins pourront nous aider sur ce coup là ! Mais bon, on ne peut pas trahir ouvertement deux vampires !"

Dans son bureau, Vassili se massait le front, avachi dans son siège.

*J'ai beau retourner le problème dans tous les sens, il n'y a pas de bonne solution ! Si je vais à l'affrontement direct, ils vont ravager mes rangs ! Si je leur cède le manoir, il sera dur de sauver tout le monde ici, et au final les Huldras débarqueront pour brûler le manoir, vampires compris ! Si je les trahis, je perdrais définitivement la confiance de mes pairs ! Si je trahis mes accords avec les Huldras, c'est leur confiance à eux que je perds !

Si je pouvais expédier ces deux dangers publics droit sur les géants, çà ferait d'une pierre deux coups ... mais là, faut pas rêver ! Il veut de la tranquillité !*

Les endroits indiqués par Erick étaient effectivement calmes et pas remplis de pièges non plus. Seul un léger froissement de tissu se faisait entendre. Au bout de quelques secondes, le responsable du bruit apparut au détour d'une allée d'arbustes. Le marchand de sable, dans son apparence d'épouvantail, la faux posée nonchalamment sur l'épaule, marchait en direction d'Oscar. Seuls 2 yeux spectraux luisaient sous sa cagoule. Il lui fit une révérence assez sobre d'où s'échappa un ou deux brins de paille de son costume.

"Je vous salue chez confrère ! Que nous vaut cette visite ? On peut vous aider en quelque chose ?"

Ne ressentant pas l'aura de Vassili sur Oscar, le revenant savait que le commandant ne faisait pas partie du personnel du comte. Il restait donc sur ses gardes, et demanda prudemment ce qu'il faisait là.

"Euh ... oui Igor ... Ah oui les Huldras ... "

Sans bouger sa tête de paille, les yeux voyageaient d'un bout à l'autre d'Oscar. Lui avait certes une faux et la force capable de fendre en 2 un ogre, mais l'armure de plate complète et l'épée dentelée d'Oscar étaient une autre paire de manches. Il valait mieux éviter de déclencher inutilement un conflit. Son histoire avait tendance à tenir debout en plus. Alors autant tenter le coup.

"On doit pouvoir faire sans le mot de passe ! Déjà, le fait que vous connaissiez son existence est déjà un indice en soit ... Je vais vous conduire à Igor ! "

De sa longue main, le marchand de sable invita Oscar à le suivre et à travers les allées du labyrinthe végétal arriva sur le côté du manoir, face à l'entrée de service. Entre temps, ils avaient croisé 2 des hommes de garde. Comme le nouveau venu était escorté par la sentinelle, ils les laissèrent passer. Il toqua à la porte avec l'extrémité de la faux. Igor vint ouvrir.

"Oui ? Qu'est ce que tu ... Ohh ! Bonjour ! Que puis-je pour vous étranger ?"

Igor s'inclina ce qui fit craquer ses lombaires.

"Oui pardon voisin vous avez raison !

Ah euh ... c'est à dire que ... on ne peut pas parler de tout ceci ici ! Oui, veuillez me suivre ! Je vous amène voir Monsieur le Comte, vous en discuterez directement avec lui !"

*Pourvu qu'ils n'aient rien entendu ces deux là ... olala*

Igor mena prestement Oscar dans le dédale des couloirs du manoir. Il lui sembla qu'ils avaient pris quelques embranchements de couloir assez illogiques mais finalement, ils arrivèrent devant le bureau de Vassili. Igor toqua à la porte et entendit Vassili de l'autre côté.

Il ouvrit la porte et introduisit Oscar avant de refermer la porte avec précaution.

"Bonjour Monsieur le Comte, je vous présente le sieur Oscar, il est envoyé par les Huldras ! Il désire vous entretenir à propos de ... de nos deux invités !"

Vassili s'enfonça dans son fauteuil. Il soupira avant de répondre.

"Oui ... si ce n'est qu'ils ne sont pas au sens stricte du terme mes "invités" ... Il y a plusieurs siècles, ils ont été les propriétaires de ce manoir ... Je les ... héberge le temps qu'ils se préparent à partir de la région !"

Il avait la mine des mauvais jours.

"Les enrôler ? La seule chose qui pourrait intéresser cette Comtesse, c'est du sang d'êtres purs ! C'est bien pour çà qu'il y a des siècles, elle a fini par être emmurée, parce que c'était la seule façon de la gérer à l'époque ! Quant à Lord Derek, il est fou d'amour pour elle et est prêt à tout pour elle !

Ceci étant dit ... Ces deux vampires sont mes ainés ! Je leur dois le respect ! Je ne pourrais me battre contre eux qu'en me déshonorant ! Si je devais en arriver là, ce serait pour protéger ceux du Manoir !

Mais je peux aussi comprendre que les Huldras puissent réclamer justice pour les morts qu'ils ont causées ! Je vous demanderais juste de nous tenir, moi et ce domaine, en dehors de çà !"

*Coutume de l'Est çà ! Oscar doit être originaire de ces contrées ! De mon côté, je connais d'autres moyens plus efficaces que ces recettes de grand-mère pour s'assurer qu'un vampire ne revienne pas ...*

"J'ai beau retourner le problème dans tous les sens, quoi que je décide, de toute façon je vais être obligé de trahir quelqu'un !

Les tuer ici sera difficile sans faire de gros dégâts à mon avis ! Et moi et les miens seront sûrement obligés d'intervenir avec les risques que çà comporte ...

(Vassili réfléchît un instant) ... Je peux toujours venir leur annoncer que vous aller arriver pour les tuer en leur conseillant de fuir ! Une fois dehors, les Huldras pourront agir plus librement par tous les moyens qu'ils jugeront utiles !"

"Oui bien sûr ! Igor ? Peux-tu ...

Oui monsieur ! Je vais le raccompagner jusqu'à la cuisine ! De là, il pourra prendre la porte de derrière, c'est la plus discrète, pour ressortir dehors !"

Igor raccompagna Oscar à travers les couloirs du manoir.

A cette heure, Augustus remontait de la cave et se dirigeait vers ses appartements. Entendant l'appel à l'aide de Derek, il ne lui fallut que quelques secondes pour paraitre au pas de la porte de la chambre des "invités".

"Mylord ? Qu'est-ce que ... ?!?"

Augustus vit la comtesse convulser dans une mare de sang, Derek à son chevet mais une sensation autrement plus étrange lui glaça le sang (plus qu'il ne l'était déjà). Dans un coin de son champ de vision, il aperçut l'adolescente qui tenait le bambou ensanglanté tandis qu'une plaie à sa gorge terminait de se refermer.

"Hein ?!? Mais ..."

Igor arriva sur ces entrefaites. Augustus le saisit par les épaules et le stoppa net.

"Cours vite chercher le Comte ! Cherche pas à comprendre ! Dépêche toi ! Ne te retourne pas !

B.. Bien !"

Le vieux serviteur repartit par où il était venu avec une célérité autrement supérieure à ce que sa vieille carcasse laissait présager. Quant à Augustus, toujours en travers du pas de porte, il se retourna face à ... l'inconnue.

"Qu'elle est cette sorcellerie ?!?"

Paralysé par l'incertitude, Augustus restait sur le pas de la porte.

*Elle est capable de rendre humain un vampire !!! Mais normalement, un vampire qui perd ainsi ses pouvoirs est rattrapé par le temps ! Et son corps humain retrouve l'âge qu'il est censé avoir ! Vu son âge, elle aurait dû devenir un tas de poussière ! Mais non, elle est juste ... humaine ... chaude ... vivante ... Cette gamine est une abomination !!! Mais où a-t-il dégotté sa proie piégée ?!?*

Augustus était tétanisé par la peur, fixant l'adolescente, mais quelque chose dans la voix de Derek, peut être le désespoir aidant, donnait de la force aux mots de l'ancien. Bougeant malgré lui, Augustus dépassa l'inconsciente pour se porter à son tour au chevet de la comtesse qui se décomposait à vue d’œil.

"Mais je ne sais pas quoi faire Milord !! On ne peut plus rien faire lorsque le processus est déclenché ! Où avez-vous trouvé cette abomination ? Elle va tous nous tuer !"

Pendant ce temps, avec une célérité qu'il n'usitait que très rarement, Igor cavala à travers les couloirs en prenant appui sur les murs à chaque virage ou changement de direction qu'il prenait et dans un souffle ouvrit la porte du bureau de Vassili sans prendre le temps de toquer pour s'annoncer.

"Monseigneur !!! Augustus ! Il ... il requière votre aide de toute urgence ! Un grand danger ... dans la chambre des invités !

ENCORE EUX ?!? Mais qu'est-ce qu'ils m'ont encore inventé cette fois-ci ?? (le livre qu'il compulsait vola à travers la pièce).

Je ne sais ... une proie ... la Comtesse ... du sang ...

Rhaa ... POUSSE TOI !!!"

Vassili explosa en un nuage de fumée qui s'engouffra dans le couloir et traversa le manoir pour se rematérialiser juste devant le pas de la porte de la chambre.

"QU'EST-CE QU... (le cri de fureur de Vassili se stoppa net en voyant l'état de la Comtesse) ... Qui ?!? Qui ... ?"

Augustus ne put tourner le regard vers Vassili mais se contenta de montrer du doigt l'adolescente.

"Ne restez pas là !"

Voyant que personne ne l'écoutait, Vassili poussa sa "voix".

"Augustus ! Emmène Derek avec toi ! Sortez de cette chambre ! Éloignez vous "d'elle" !"

*Le manoir va peut être cesser d'exister plus vite que je ne le pensais !*

Augustus, réveillé de son état second par le Comte, saisit Lord Derek par les épaules et essaya de le relever.